L’accessibilité universelle au pôle MPR de Nantes
Qu’est-ce que l’accessibilité universelle ?
Accessibilité réglementaire et accessibilité universelle
L’architecte a la charge de concevoir des espaces qui respectent les normes d’accessibilité de façon à garantir à chacun, peu importe ses capacités, l’accès à la même qualité de service.
Cependant, la réglementation instaure des dispositions qui peuvent paradoxalement conduire à des différences de traitement entre les personnes. Dans un même établissement, on peut de cette façon trouver des équipements non accessibles et des équipements accessibles (chambres, sanitaires, etc.).
Au delà du respect de l’accessibilité réglementaire, l’accessibilité universelle vise l’intégration de la personne en situation de handicap dans son environnement.
Cette différenciation ne permet pas à la personne en situation de handicap d’utiliser les mêmes équipements ou d’emprunter les mêmes parcours que les personnes sans limitations fonctionnelles, conduisant à une ségrégation susceptible d’affecter leur bien-être. Se cantonner à appliquer les normes d’accessibilité à un projet peut conduire à accumuler les contraintes et à cloisonner les individus, rendant plus difficiles les interactions. Au-delà du respect d’un niveau d’accès équivalent aux équipements, l’accessibilité universelle vise l’intégration de la personne en situation de handicap dans son environnement.
Comment rendre un équipement universellement accessible ?
Pour appliquer l’accessibilité universelle à la conception architecturale, il faut anticiper les parcours, soigner les transitions entre espaces et les dispositifs d’accès. Sa mise en place dans un projet nécessite l’identification et l’élimination des obstacles et barrières à l’accessibilité. Avec la démarche d’accessibilité universelle, le respect de la norme n’est pas considéré comme un point particulier de la conception. L’approche est globale et transversale : elle sort l’accessibilité du strict cadre réglementaire et l’intègre à tous les aspects du projet.
Le pôle MPR, exemplarité de la notion d’accessibilité universelle
La reconstruction du pôle de Médecine Physique et de Réadaptation (MPR), projet important qui s’inscrit dans le cadre du développement global du CHU de Nantes, intègre au cœur de son programme le concept d’accessibilité universelle. Reconnu nationalement en matière de médecine physique et de réadaptation par sa taille, la diversité t la qualité des prises en charge, le pôle MPR devient, avec sa reconstruction, un établissement de référence sur le plan européen.
Avec ses trois filières (neurologie, locomoteur et thorax) articulées autour d’un plateau technique de rééducation et de réadaptation de haut niveau, il héberge un processus de soins complet qui accompagne chaque patient vers un retour à l’autonomie.
Dès la programmation, un bâtiment conçu comme support du « care »
Trouver le juste équilibre entre l’accessibilité et l’ensemble de la programmation
Nécessairement, l’accessibilité universelle conditionne les surfaces dont bénéficient les patients, les soignants et les accompagnants, ce qui exerce une influence sur le budget global de l’opération. Ce sont les dispositions architecturales, les surfaces, mais aussi les équipements qui doivent être accessibles et pris en compte. Sur l’opération du pôle MPR, l’équipe de maîtrise d’œuvre intègre un ergonome qui a la charge, en collaboration avec les équipes et les patients, de hiérarchiser les contraintes fonctionnelles. Avec l’architecte, il détermine l’équilibre entre le respect des surfaces allouées, la conformité avec le principe d’accessibilité universelle, et le confort pour les patients comme pour les soignants.
L’équilibre idéal avec l’ensemble de la programmation résulte d’une approche transversale avec le Maître d’Ouvrage, l’équipe de maîtrise d’œuvre et les utilisateurs (équipes et patients).
Une validation en continu permet d’adapter le projet à la réalité des conditions de vie et de travail. Un bâtiment témoin est construit, avec une chambre complète à l’échelle, suivi par trois niveaux de validation selon le planning de construction (volume global, second œuvre puis équipements). L’équipe MPR complète (médecins, infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, etc.) s’est jointe à ces validations, de façon à ajuster les choix au fil du projet.
Le nouveau pôle augmente le capacitaire de l’ancien MPR, avec une prise en charge ambulatoire en complément. Véritable volonté du programme, la médecine du sport est intégrée, et les plateaux techniques sportifs (balnéothérapie, salle de sport) s’ouvrent aux associations handisport extérieures. Le pôle MPR matérialise aussi son ouverture à travers le laboratoire d’analyse du mouvement dont bénéficient les chercheurs du pôle hospitalo-universitaire, avec le bureau des associations ou encore le salon de coiffure. En anticipant l’accessibilité, le programme affirme l’ouverture de l’hôpital sur la ville, et appuie la volonté de rendre le bâtiment plus perméable, de susciter les interactions et de stimuler les patients dans leur processus de réadaptation.
L’hypervision, prolongement technologique de l’accessibilité universelle
Volet technologique de l’accessibilité universelle, l’hypervision met à disposition de chaque partie des solutions technologiques adaptées. Les outils à disposition des patients, des soignants et ceux nécessaires à la Gestion Technique Centralisée du bâtiment sont intégrés et interfacés, de façon à répondre à des besoins spécifiques des différents acteurs au pôle MPR.
Volet technologique de l’accessibilité universelle, l’hypervision agit comme un prolongement du soin, et encourage la rééducation, préparant le patient au retour à l’autonomie.
En partant de ses besoins et de ses capacités, chaque patient bénéficie de dispositifs adaptés pour contrôler son environnement. De son interface personnalisée (ajustée en fonction de son dossier, de ses capacités et de ses besoins, quelle que soit la pathologie : téléthèse par souffle, appui menton, etc.), le patient communique avec le bâtiment. Il a ainsi accès à un large panel d’actions, du contrôle basique de son environnement immédiat (lit, volets roulants, internet, radio, télévision via terminal multimédia), des circulations générales (appel ascenseur), jusqu’à la possibilité de communication avec l’extérieur (outils d’appel intégrés dans l’interface). L’hypervision agit de cette façon comme un prolongement du soin, et encourage la rééducation, préparant le patient au retour à l’autonomie.
La conception architecturale favorise le repérage à l’échelle de l’établissement
L’accessibilité universelle passe d’abord par le repérage de chacun dans l’établissement. Le cadre bâti est un outil à part entière, adapté et adaptable au projet thérapeutique de chaque patient. La notion d’accessibilité universelle est traduite architecturalement par des espaces larges, permettant la libre circulation des fauteuils roulants et des lits, de l’entrée publique aux espaces privés des chambres.
L’axe central qui irrigue horizontalement et verticalement l’ensemble des services facilite le repérage de chacun dans l’établissement.
Le pôle MPR est construit autour d’un axe central qui irrigue horizontalement et verticalement l’ensemble des services. Cette réponse architecturale à la contrainte d’un dimensionnement important garantit le confort de chacun (circulations, socialisation) et facilite la relation patient/soignant.
La répartition horizontale assure l’interdisciplinarité et la transversalité des compétences et équipements (plateaux techniques, ergothérapie…). La rue intérieure aux larges proportions distribue les secteurs (120m de long pour 3m de large). Éclairée naturellement et bordée de patios, elle garantit un repérage aisé et une circulation confortable. La répartition verticale répond à une logique de sectorisation par spécialités autour des trois blocs ascenseurs (ex : hospitalisation neurologie au-dessus de la kinésithérapie neurologie). Ceci facilite les trajets des personnes entre les services d’hébergement et les secteurs de consultations ou de soins dédiés. La réplication de l’organisation des différentes unités (l’espace de soins et la salle à manger au cœur, et les chambres autour) permet une meilleure orientation pour le personnel, les patients et les visiteurs.
Le travail sur la lumière, les transparences, les volumes et matières identifie les différents secteurs le long de la rue. Par le jeu des couleurs sur les patios, par les co-visiblités mises en scène entre les différents services, l’organisation interne facilite le repérage. Cette orientation en volumes et en lumières qui conditionne l’accessibilité est renforcée par un travail spécifique sur la signalétique qui joue sur la couleur, les textes et les idéogrammes.
Dans les espaces, 100% d’accessibilité pour stimuler le retour à l’autonomie
De façon à ne pas entraver la circulation et ne pas gêner les patients, les choix architecturaux, techniques, et les matériaux mis en œuvre misent sur la pérennité des ouvrages et la facilité de maintenance, en lien avec l’extrême sollicitation du bâtiment. La rue principale qui dessert horizontalement le bâtiment est traitée en béton brut, ce qui permet de ne pas avoir de matière rapportée pour la protection des murs, et d’éviter les maintenances lourdes et répétées. Le vitrage, qui fait rentrer la lumière des patios et de l’extérieur du bâtiment, est conçu toute hauteur quel que soit le local ou la circulation, de façon à permettre à tous de bénéficier du même confort visuel.
Pour garantir l’accessibilité universelle, les circulations ne présentent aucune rupture. Les fonctions sûreté et sécurité sont dissociées : portes coupe-feu ventousées ouvertes pour la sécurité, portes automatiques avec radars, verrouillables par contrôle d’accès et/ou anti-fugues pour la sûreté. Par ailleurs, les circulations ne sont pas entravées par les fauteuils (la conception des chambres intègre des espaces de stockage adaptés) ou par les extincteurs, intégrés dans les gaines.
Sur les plateaux techniques, tout est conçu pour favoriser l’autonomie du patient. Dans la balnéothérapie par exemple, la réflexion est menée de façon à favoriser le retour à l’autonomie, avec une rampe qui permet aux patients les plus autonomes de se mettre à hauteur pour passer au bassin, sans recours nécessaire à la plateforme à hauteur variable.
Les choix de couleurs et de matières ont été pensés pour influencer la mobilisation de la personne en situation de handicap. Avec une architecture accueillante et chaleureuse, le bâtiment prolonge la capacité à motiver, à enthousiasmer. Sur le plateau de rééducation, les qualités acoustiques des dalles de plafond sont associées à un camaïeu de couleurs différenciées selon les spécialités, créant une mosaïque ludique. Les plateaux de rééducation sont rassemblés sur un seul niveau et regroupés de façon à favoriser l’entraide, la mutualisation, et le rapprochement entre les disciplines.
Avec une architecture accueillante et chaleureuse, le bâtiment prolonge la capacité à motiver, à enthousiasmer.
Tout est fait pour rendre le parcours des patients le plus simple possible, et aider chacun dans son retour à l’autonomie. Conçues comme des espaces de vie, les chambres sont adaptées au temps de séjour (en moyenne deux mois et demi pour la filière locomoteur, un an pour la filière neurologie). Les portes sont motorisées, déclenchables via Magic Switch (détecteur d’ouverture sans contact) ou via l’interface du patient. Les placards sont conçus sans socle, de façon à permettre aux fauteuils roulant d’y rentrer pour accéder plus facilement à la barre de penderie télescopique. Les salles de bains garantissent quant à elles une accessibilité maximale : portes Ellipse simples à manœuvrer, fauteuils douches réglables en hauteur, vasques réglables électriquement en hauteur et profondeur, chasses d’eau infrarouge, etc. Le confort des soignants, primordial pour assurer une qualité du cadre de travail, est assuré avec les rails lève-malades dans 100% des chambres.
Quel enseignement tirer de cette expérience ?
Aller plus loin que la norme, c’est aussi intégrer les utilisateurs et leurs spécificités. Ce sont les besoins des patients comme des soignants qui vont définir les points d’attention, afin d’accompagner chaque personne accueillie au pôle vers le retour à l’autonomie.
L’accessibilité universelle, au-delà d’une simple contrainte de dimensionnement, structure l’organigramme général des éléments de programmation. Elle est traduite par une conception architecturale qui renforce l’autonomie et facilite l’ergonomie des patients et des soignants.
Le principal objectif du nouveau MPR est d’assurer un accompagnement optimal et personnalisé des patients en situation de grand handicap. L’entraide et la socialisation sont favorisées par l’accessibilité par tous des mêmes espaces dans un environnement agréable et convivial, à une étape de leur vie où les patients, fragilisés physiquement et humainement, ont besoin d’un environnement stimulant psychiquement.
Plus de détails sur l’opération du pôle de Médecine Physique et de Réadaptation de Nantes
Crédit photographe : Stéphane Chalmeau